Partie 1 :
Tout d'abord un peu d'histoire
Les Arawaks, puis les Caraïbes consommaient déjà des crabes. Ils les préparaient dans une sauce à base de piments et de jus de manioc qu'ils appelaient "taumali".
Lors de la colonisation, les colons doivent se rapprocher de l'agriculture tropicale pour survivre car les acheminements de nourriture venues d'Europe sont trop lents. Mais le crabe ne fait pas sensation chez les colons qui préfèrent manger du poisson et de la langouste.
A l'arrivée des esclaves en Martinique, ils sont forcés de se convertir au christianisme et sont baptisés. Pendant la période de Carême, l'église interdit aux esclaves de consommer de la viande et se voient remettre une grande quantité de crabes (considérés comme viande maigre) qu'ils consommaient pendant toute la période. Le dimanche de Pâques, ils finissaient tout les crabes qu'il restait.
A la fin de l'esclavage, les crabes du dimanche de Pâques laisseront la place aux coqs ou aux moutons et seront désormais consommés le lundi de Pâques.
Aujourd'hui le crabe n'est plus considéré comme un « reste à finir » mais un plat traditionnel qui se perpétue de génération en génération.
Pourquoi « Matoutou » ?
Le mot « matoutou » ou « matété » en Guadeloupe remonte à la période amérindienne.
C’était une petite table tressée de joncs, de latanier ou d’arouman de 20 à 30 cm de haut. Sur cette table, les Arawaks déposaient le coui de taumalin et de crabe. Ce terme préservé par la mémoire collective a ensuite été attribué au met traditionnel de Pâques à base de riz et crabes.
La pêche au crabe
Évidemment, pour pouvoir manger un bon matoutou riz, il faut avant tout l'ingrédient principal : les crabes.
On ne doit pas les attraper n'importe quand : la période de pêche s'étend en général de mi février à fin mai. C'est la période où ils sortent pour faire leur provisions. Par soucis d'équilibre, les chasseurs veillent à capturer des crabes de bon calibre c'est à dire pas trop petit pour que ceux ci puissent grossir et se reproduire avant d'être capturer.
On chasse deux sortes de crabes : les crabes de jour dit crabes soleil et les crabes de nuit.
Les chasseurs se rendent dans des coins arpentés depuis des générations. Plusieurs familles se partagent le même terrain de chasse, mais c'est pas dérangeant. Il y en a assez pour tous le monde, le respect est bien présent et surtout aucun vol n'est à déplorer car la pêche au crabe c'est sacré !
Malheureusement cette tradition est en déclin depuis quelques années due en majorité à la jeune génération qui ne s'y intéresse plus et c'est tellement moins fatiguant d'aller acheter son crabe dans le commerce ... Espérons que les jeunes se rendent vite compte de l'importance des traditions et que nous puissions voir dans les prochaines années, des petits martiniquais fières d'arpenter les terrains de chasse avec leurs aïeuls.




C'est vrai que cette pêche n'est pas de tout repos. Il peut se passer plusieurs heures avant d'attraper ne serait-ce qu'un crabe. Et j'en ai fait l'expérience.
Cette pêche se fait en plusieurs étapes :
On commence par chercher les trous fraîchement débouchés. Les trous doivent être assez gros pour contenir un crabe bon à manger. Pour savoir si la galerie est habitée, il suffit de vérifier la présence d'excréments à l'entrée du trou.
Si c'est le cas, on pose la ratière (que les chasseurs fabriquent eux même) au dessus du trou. On y glisse un morceau de canne à sucre et on attend que le futur dîner aille se restaurer !
Tout les pièges installés, il reste à attendre et à les relever lorsqu'ils ont accompli leur mission.
Le chasseur met les crabes capturés dans un grand sac et hop ! direction la maison.
Pendant les semaines qui vont suivre, les crabes seront chouchoutés : nourrit de fruits et de feuilles séchées (principalement d'arbre à pain), baignés deux fois par semaine et brossés pour être bien propres. Et ce, jusqu'au lundi de pâques où le matoutou riz sera préparé.
Ces moments de pêche sont des instants précieux, des moments conviviaux qui permettent une réelle reconnexion à la nature, et une réduction du stress de la vie quotidienne. C'est aussi un moment de partage, généralement entre hommes, qui permet de resserrer les liens.
Dans un prochain article, je vous détaillerez la préparation du matoutou riz après l'avoir préparé et gouté évidemment. Soyez présent au rendez-vous.
Merci à Eddy et à Jean-Marc d'avoir accueilli ma famille au cœur de leur tradition, de m'avoir fait découvrir toutes ces choses, de m'avoir enseigné leur savoir.
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Commentaires
merci de m'avoir fait également découvrir cette merveilleuse tradition et superbe photos